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Photo du rédacteurAgnes Sevestre

Luxe et métiers d'art : je t'aime, moi non plus.


Le regain d'intérêt pour les métiers d'art suite à la pandémie a laissé des traces significatives dans notre façon de consommer et de percevoir les objets. L'augmentation des reconversions, la recherche de sens et la curiosité ont ouvert les portes des ateliers et des écoles, redécouvrant ainsi l'art de transformer la matière.


De plus en plus, des parents se tournent vers ces métiers pour guider leurs enfants dans leur parcours scolaire. C'est une excellente nouvelle : les voies professionnelles, techniques et créatives sont à nouveau mises en avant, reconnues comme des choix porteurs d'avenir.



Pendant trop longtemps, la filière manuelle a été perçue comme un passe-temps plutôt qu'un métier sérieux. Pourtant on redécouvre depuis la pandémie le travail de la matière sous toutes ses formes : ateliers de loisirs, cours du soir, stages de découverte, mais aussi formations initiales et continues révèlent la richesse de ces métiers. Plusieurs institutions documentent et analysent avec précision les métiers d'art, et mettent en avant le fait que 80% sont exercés dans des entreprises individuelles.


Alors, comment en arrive-t-on encore aujourd'hui à associer presque systématiquement les métiers d'art à l'industrie du luxe et à l'inaccessible ?



D'un côté de l'échiquier, il est indéniable que les maisons de luxe jouent un rôle majeur dans la promotion et la préservation des métiers d'art. Leur capacité à investir massivement dans la communication et le marketing permet une exposition mondiale de ces métiers, les propulsant sous les feux de la rampe et attirant ainsi l'attention du grand public. En associant les métiers d'art au luxe et à l'exclusivité, ces maisons créent un halo de prestige qui peut être bénéfique pour l'image et la reconnaissance des artisan-e-s, cependant souvent en masquant les visages sous la fameuse métonymie, assez réductrice, des "petites mains".



De l'autre côté, un peu plus dans l'ombre, il y a une problématique de manque de main d'œuvre grandissante dans l'industrie du luxe. Elle est liée en premier lieu à la méconnaissance des métiers, mais aussi souvent aux conditions de travail proposées : pour qu'un métier reste ou redevienne désirable, les conditions de l'exercice de ce métier doivent l'être aussi. C'est une réalité : tant que les entreprises qui composent le microcosme de l'artisanat ne l'entendront pas assez, le recrutement n'évoluera pas.


Valoriser ses ressources humaines me paraît pourtant, si petite et courte soit mon expérience de cheffe d'entreprise, être l'une des composantes phare d'une boîte qui roule, sans même parler de croissance à long terme mais simplement de bon fonctionnement au quotidien.



Dans cet équilibre délicat entre vitrine flamboyante et ombre portée, il est impératif de reconnaître et d'évaluer attentivement les avantages et les inconvénients de l'influence des maisons de luxe sur les métiers d'art.


Plutôt que de perpétuer une vision dichotomique, il est essentiel d'encourager un dialogue ouvert et inclusif entre tous les acteurs et actrices du secteur, afin de promouvoir une approche plus équilibrée et respectueuse de ces métiers précieux et de ceux qui les pratiquent.

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